Et s'il nous fallait de nouveaux marqueurs de saison ?
A moins que ne vous ne viviez dans une caverne, auquel cas vous êtes peu concerné par ce qui suit, vous devez savoir que ce dimanche nous passons en France à l'heure d'hiver, de même qu'un grand nombre de pays dans le monde (dans l'hémisphère Nord tout au moins).
Quand on écrit pour des lecteurs assoiffés d'actualité, il est difficile d'échapper à ce que les journalistes appellent un marronnier (d'après le Larousse : "Petit article de journal sur un événement qui se reproduit à date fixe (départs en vacances, muguet du 1er mai…").
J'ai déjà eu l'occasion d'écrire à plusieurs reprises sur le sujet, je ne reviendrais donc pas sur les questions qui tournent autour des justifications de ce changement d'heure. Vous pouvez vous référer utilement aux articles suivants :
- Pragma-tic: Dimanche 29 mars 2015 : passage à l'heure d'été
- Pragma-tic: Faut-il se préparer au changement d'heure ?
- Octobre - la France à l'heure d'hiver
Avec cet évènement qui marque beaucoup de monde, je ne peux m'empêcher de m'interroger sur ce qui marque désormais le changement des saisons pour ceux, comme moi, qui vivent dans de grandes agglomérations urbaines bien éloignées de la nature.
Etait-ce mieux avant ?
Avant, les générations qui nous ont précédés voyaient leur temps marqué par les saisons et les travaux agricoles au cœur de l'activité d'une majorité de la population. Je citerai dans le désordre : les célébrations consécutives aux solstices, les semis, récoltes, ramassage du foin et autres travaux agricoles, la cueillette des champignons, la taille des arbres, la température, la période où les animaux mettent bas, le beaujolais nouveau, la chandeleur, l'abattage des cochons (le 11 novembre)... il y avait des choses à faire, incontournables (y compris le beaujolais nouveau, qui nous rappelle que les vins nouveaux ne se conservaient pas). On ne mangeait pas non plus les mêmes choses toute l'année.
Ce temps était marqué également par des fêtes chrétiennes et des rites que nous oublions un peu aujourd'hui, même si certaines de ces fêtes demeurent vivaces. Je vous en ai fait une petite sélection non exhaustive :
- l'Épiphanie (rois mages) : 6/01
- la Saint Valentin, qui n'a pas toujours été une fête commerciale : 14/02, fête de la fécondité
- le mercredi des cendres, début du carême, 40 jours avant la date de Pâques
- Pâques : 27/03 en 2016
- l'Ascension et son pont tant attendu : 6/05 en 2016
- la Pentecôte : 15/05 en 2016
- la Saint Jean : 24/06
- les saints de glace : saint Mamert, fêté le 11 mai, saint Pancrace, le 12, saint Servais, le 13, et saint Boniface, le 14 mai
- la Toussaint : 01/11
- "l'été de la Saint-Martin" toute succession de jours encore chauds qui surviendrait entre fin octobre et mi-novembre
- la Saint Nicolas, ancêtre de Noël : 6/12
- et bien sûr Noël : 25/12
La chute vertigineuse du nombre de paysans a tué le calendrier agricole. Il a été progressivement remplacé par le calendrier ouvrier, avec deux évènements à qui il ne viendrait à personne l'idée de les remettre en cause aujourd'hui : la fête du travail, les vacances d'été...
Ce glissement progressif vers des marqueurs différents s'explique aisément : à l'heure du chauffage collectif généralisé, la plupart d'entre nous ne sentons plus de manière aussi prégnante les changement de température. Il en va de même pour ce que nous mangeons (qui se soucie encore des légumes ou fruits de saison - les clients que nous sommes veulent de tout, toute l'année). Je ne parle même pas de ce que nous dit la terre : quand j'appuie sur la touche "On" de mon ordinateur, je me sens en général peu concerné par les gelée matinales et la nécessité d'aller couper du bois...
En bref, l'influence des saisons sur nos temps sociaux est de moins en moins marquée, mais il semblerait que la résistance s'organise...!
Et aujourd'hui ?
Regardons autour de nous. Il est aisé de constater que de nouveaux marqueurs s'ajoutent progressivement aux anciens :
- les soldes
- les vacances scolaires puis la rentrée des classes
- les manifestations syndicales du printemps
- la fête du travail : 1/05
- les universités d'été des partis politiques
- les fêtes commerciales auxquelles nous ne pouvons échapper : Halloween, la fête des mères
- les migrations ponctuelles pour ceux qui peuvent se le permettre, en hiver ou en été
- et bien sûr, les changements d'heure, deux fois par an !
Même s'ils évoluent, les marqueurs saisonniers ont la vie dure !
On pourra s'interroger sur la permanence du besoin de repère saisonniers. Beaucoup de raisons sont avancées, mais je me contenterai de mettre l'accent sur deux d'entre elles.
Tout d'abord, il faut prendre conscience que la vie est faite de rythmes, d'alternances, de pleins et de vides, d'intensité et de déchéance, et aussi, il faut le dire, de vie et de mort. Pour ce qui est de la gestion du temps, cela signifie qu'il faut intégrer la nécessité d'alternance des temps : pour le travail et pour le repos, pour le travail en groupe et pour la réflexion individuelle, pour l'activité et pour ne rien faire, pour s'organiser et pour agir.
Ensuite, on ne peut ignorer que l'humanité s'est construite en s'adaptant à son environnement. de fait, notre temps biologique nous ramène aux réalités climatiques, au temps des saisons. Les ignorer a l'avantage d'être probablement plus productif dans un monde globalisé qui s'affranchit des frontières et du temps. D'un point de vue individuel, il est facile de constater la difficulté de s'affranchir de ces réalités physiologiques. Cela justifie amplement le besoin de rajouter de nouveaux marqueurs !
Biologiquement, et même mentalement, nous ne différons guère d'un homme des cavernes. Ne pas oublier la nature, lever le nez, écouter son corps, ce sont encore les meilleurs moyens de concilier note temps biologique et celui de notre environnement.
Au cas où nous pourrions l'oublier, les marqueurs saisonniers, essentiellement sociaux, sont là pour nous aider à garder le rythme.
Vive l'heure d'hiver !
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